mercredi 13 juin 2018

En Corée, le « Mur » est déjà tombé

En Corée, le « Mur » est déjà tombé

 Invité par un musée sud-coréen, l’artiste eL Seed a transcrit en calligraphie arabe un poème d’amour sur des panneaux, le long de la zone démilitarisée de la Corée du Sud. Il prévoyait de faire la même chose côté nord, mais la paix est passée par là.                  

Le Monde | • Mis à jour le | Par
L’artiste franco-tunisien eL Seed a imaginé son œuvre « Le Mur » sur la barrière entre les deux Corées…

En principe, l’arrêt d’un projet ne devrait pas remplir un artiste de joie. Et pourtant eL Seed a décidé, de son propre chef, d’abandonner Le Pont. Conçue en mai 2017 pour la zone démilitarisée (DMZ) séparant les Corées du Nord et du Sud, en cours de réalisation depuis novembre, cette œuvre imaginée par le plasticien franco-tunisien installé à Dubaï est une inédite victime de la paix.

Le jeune homme, qui s’est choisi en 1998 son pseudo en référence, notamment, au Cid de Corneille, s’est fait connaître par le « calligraffiti », à mi-chemin entre les graffitis et la calligraphie arabe, situés dans l’espace public un peu partout dans le monde. Par exemple au Caire où, pour valoriser une communauté copte marginalisée il a, en 2016, dans le quartier des chiffonniers, étiré dans la tradition de l’anamorphose des paroles de saint Athanase évêque d’Alexandrie au IIIe siècle.

Des messages porteurs de paix

Sa méthode est simple, le résultat aussi spectaculaire qu’efficace. Et le sous-texte toujours politique. EL Seed, 36 ans, considère son travail comme une passerelle entre les cultures. Ses messages, empruntés à la littérature ou à l’Histoire, sont toujours porteurs de paix. C’est pourquoi il fut invité en mai 2017 par le Musée Gyeonggi à Ansan, en Corée de Sud, pour réaliser une œuvre traitant de la réunification. Pour relier les deux côtés de la zone démilitarisée séparant les frères ennemis, l’artiste songe d’abord à créer un pont de 20 mètres de haut. L’idée est refusée par l’armée sud-coréenne pour des questions de sécurité.

EL Seed décide alors de traduire en calligraphie arabe Jamais oublier, un célèbre poème d’amour coréen devenu une chanson folklorique. « J’ai pris exprès un texte d’un poème des années 1930, antérieur à la partition du pays », nous explique-t-il. Il a dans un second temps transposé le texte en une quarantaine de panneaux d’aluminium découpés au laser, puis placés sur 63 mètres le long de la barrière en fil barbelé de la zone démilitarisée, côté Corée du Sud. « Je voulais la peindre en bleu, mais l’armée coréenne a demandé que ce soit plus camouflé. Du coup, j’ai choisi un effet miroir, pour que les Coréens du Sud se voient lorsqu’ils regardent de l’autre côté de la barrière. »

« L’œuvre était forcément inachevée si elle ne restait que d’un côté de la zone démilitarisée. Le projet d’unification n’avait de sens que si je faisais la même chose de l’autre côté. » eL Seed
L’œuvre installée en novembre 2017, pendant la visite de Donald Trump en Corée du Sud, fait grand bruit. « J’ai vu beaucoup de Coréens de la jeune génération, raconte eL Seed, mais aussi un Coréen du Nord installé ici qui n’avait plus eu de nouvelles de sa famille depuis soixante-cinq ans. Il a dû en reconstruire une nouvelle ici et il avait les larmes aux yeux. » Mais l’artiste ne comptait pas s’arrêter en si bon chemin. « L’œuvre était forcément inachevée si elle ne restait que d’un côté de la zone démilitarisée. Le projet d’unification n’avait de sens que si je faisais la même chose de l’autre côté », explique-t-il.

Après avoir obtenu l’autorisation de la Corée du Nord de dupliquer l’installation sur l’autre pan de la barrière, eL Seed commence à chercher des fonds pour produire la suite de l’œuvre. Jusqu’à la rencontre historique en avril entre le président sud-coréen Moon Jae-in et le dirigeant nord-coréen Kim Jong-un. Les pays frères ennemis décident alors de transformer la bande démilitarisée qui sépare leurs pays en « zone de paix ». Pour eL Seed, la mission prend fin. « L’idéal maintenant c’est que cette pièce soit retirée et détruite, tout comme la barrière, confie-t-il. J’ai l’impression d’avoir atteint mon objectif, même si je n’y suis pour rien. » Et de conclure : « C’est la première fois que je suis content d’annuler un projet ! »

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